lundi 11 février 2013

Là où va l'indien



"Lorsque tous les chiens de la ville 
se mettent à aboyer au milieu de la nuit, 
c'est qu'ils ressentent les secousses sismiques. 
Des vibrations auxquels nous, êtres humains, 
sommes tout à fait insensibles."

Fernando Ayala






Certains êtres évoluent plus proche de la voûte céleste que d'autres. Progéniture divine d'une lignée descendant directement de l'astre solaire, Fernando appartient sans doute à cette race d'hommes façonnée par une force qui nous dépasse. Une âme trempée dans le coeur des volcans, léchée par les vents d'insaisissables sphères. C'est en explorant sous toutes ses coutures l'insondable individu que nous comprenons ce que signifie "vivre comme un apache". Car seul un savoir-faire élémentaire issue d'une époque oubliée semble en mesure de souffler une quantité suffisante de vie. De transmettre l'énergie vitale nécessaire à l'animation d'une telle créature.

Ni tribus, ni port d'attache. Fernando navigue à vue, de villes en villes. Promenant sa ganache de lutin des bois à travers tout le continent sud-américain, sautant les frontières comme on enjambe une flaque d'eau. Était-il avide de cette connaissance suprême que seule une longue période de vagabondage peut enseigner ? Se sentait il habité par un sentiment d'appartenance à une autre famille que la sienne ? Un jour de sa dix-huitième année, il passe la porte de chez lui et rejoint ainsi la grande fratrie des enfants du monde. Tournant le dos à sa ville natale, Valparaiso, il opte pour une sorte de retour à l'état sauvage. Comme le marin debout sur la grève ressent parfois l'appel du large, Fernando choisit de répondre à celui de la route.







Deux décennies à parcourir le monde offre plus à un homme qu'un siècle d'inertie. Au grès de ses voyages, l'indien nomade a ainsi découvert les secrets de certaines pierres. Plusieurs fois pas ans, il se rend donc dans la vallée de l'Elqui au Chili. Ce lieu que l'on dit chargé d'énergies occultes abrite également un grand nombre d'observatoires astronomiques. Les scientifiques de la NASA y scrute un bout de ciel vierge de toute pollution lumineuse. Dans ces montagnes arides, sanctuaires mystérieux, certains prétendent avoir entendu les esprits. D'autres affirment les avoir vus. Ceux là sont des menteurs, tranche fermement Fernando. 

A travers ces pèlerinages, l'indien entend surtout se réapprovisionner en quartz et autres pierres semi-précieuses. Une quête qui l'a donc mené contre les parois de cette vallée recelant d'innombrables trésors. Ces cristaux de roche, il les travaille ensuite, transformant la matière brut en amulettes protectrices et autres bijoux portes-bonheurs. Joaillier sans boutique, il échange parfois ces trouvailles et créations avec d'autres artisans baroudeurs. Contre un peu de nourriture, ou d'humbles richesses aussi précieuses qu'insignifiantes. A l'occasion, il lui arrive d'offrir quelques unes de ces merveilles à ceux qui croisent sa route. Par ce geste, Fernando entend en fait repartir l'énergie terrestre autour de lui. Rendre à l'universel ce que les éléments naturels lui ont donnés.






Le vagabond des chemins ne peut rester sourd bien longtemps à l'appel de l'inconnu. Au terme de notre rencontre, il reprend donc sa route. Bien droit dans le soleil, paisible voyageur avançant à un rythme calme, profondément intime.




Texte Hugo Charpentier - Photos Arthur Courtois

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