mercredi 20 mars 2013

Carretera Austral : En Route Pour Le Grand Sud





Un simple coup d'œil sur une carte suffit à captiver le voyageur. Que signifie cette ligne tracée à main levée ? Ce cordon étroit, ondulant parmi les monts comme un mince filet d'eau à travers les pierres d’un ruisseau ? Il y a le Nil, artère de vie serpentant au milieu du désert, et la Carretera, cette verticale du vide. Comme un fil d'Ariane tendu entre les hommes de l'Aisén, région les plus reculée du Chili. Mille deux cents kilomètres de caillasse, parfois un peu de bitume sur la seule et unique route desservant un territoire grand comme le Portugal.

Histoire de planter le décor, notre guide* glissait une petite mise en garde. « Nous vous déconseillons de faire du stop sur la route australe. Très peu de véhicules empruntent cet axe sur de longues portions, le transport de marchandises y est peu important et les 4x4 de touristes sont souvent pleins. » Pour tout auto stoppeur sachant faire preuve d’un minimum de patience, il s’agit ni plus ni moins d’un défi. Et nous décidons de le relever.


Navigation à travers les fjords de Patagonie, Aquarelle.


L’eau est claire, presque turquoise. L’étrave de l’Alejandrina fend doucement cette surface lisse comme du papier glacé. La veille, nous quittions le port de Queillón. La sirène du navire résonnait dans le crépuscule, l’île de Chiloé disparaissait derrière l’horizon. A présent la lancha progresse doucement à travers les canaux de Patagonie. Montagnes, forêts, glaciers se succèdent, avec parfois quelques fermes isolées posées aux bords des fjords. On a le sentiment qu’ici rien n’a changé depuis le premier matin du monde. Enfin presque rien...


Couché de soleil au large de Chiloé.


La région était autrefois le territoire des tribus indigènes. Les indiens Kaweskars connaissaient parfaitement ce labyrinthe de cours d’eaux qu’ils parcouraient à bord de leurs canoës. Chassés, dispersés, décimés par les maladies… Ces populations verront une triste et sanglante page de leur histoire se tourner avec l’arrivée des premiers colons. Et pourtant. Sur le pont du rafiot, perdu dans nos rêveries, on imaginerait presque. Au loin, une silhouette debout sur le rocher. Un guetteur scrutant l’horizon. Une main en visière sur le front, l’autre refermée sur le bois de sa lance. 



Sur le pont de l'Alejandrina.


Vingt cinq heures de navigation pour rallier Puerto Cisnes. C’est là que nous retrouvons le continent. Premier contact avec l’asphalte de la Carretera. La partie de mille bornes peut commencer. Et elle débute plutôt mal. Une dizaine de kilomètres à pied avant la bonne pioche: un premier pick-up qui nous conduit jusqu’à Coyhaique, deux cents kilomètres plus au sud. Autour de la route, les prairies ressemblent à des champs de batailles. Des centaines de troncs d’arbres morts gisent couchés. Squelettes blanchis par le temps, vestiges d’une époque où l’Aisén n’était peuplé que de quelques centaines de paysans reclus. Dispersés à travers les collines, noyés sous d’épaisses forêts profondes. 

Au début du siècle dernier, l’écologie n’existait pas. Dans un élan inconscient visant à développer ses terres inexploitées, la région fut défrichée à grands coups d‘incendies. Du nord au sud, les pobladores* allumaient d’immenses brasiers, engloutissant dans les flammes les étendues sylvestres. Certains racontent que la cendre chaude dormait sous la neige pendant l’hiver. Que la brise d’été ranimait les braises au retour des beaux jours. Des dizaines de milliers d’hectares furent ainsi ravagés par le feu. Aujourd’hui, les nombreuses souches à demi enfouies dans l’herbage témoignent de l’étendue du désastre.

Coyhaique, dernier bastion de civilisation avant le grand désert. Au-delà, la carte n’indique qu’une poignée de villages excédant rarement le millier d’habitant. Après quelques jours de ballades dans les environs, les provisions faites, nous nous dirigeons vers le parc national du Cerro Castillo. Le jour descend quand une voiture nous dépose à l’entrée de la réserve. Allongés dans un champ, nous nous offrons une nuit à la belle étoile. Quatre jours de randonnée musclée nous attendent.


Vue sur la vallée du Rio Turbio, trek du Cerro Castillo, crayonné.


Marcher c’est penser. Sur ce sentier sans fin, l’esprit est une girouette. Nos songes partent si loin, que nous sommes parfois obligés de les rappeler à l’ordre. « Eh toi, reste donc dans tes Andes et veille plutôt à ne pas te faire croquer la cheville par une pierre. » Oh point d’illuminations soudaines dans nos réflexions. Il ne suffit pas de faire quelques pas pour trouver l’ultime réponse aux questions qui vous taraudent. L’idée germe progressivement, le cheminement prend tout son temps. La solution arrive plus tard, lorsque l’on se souvient.


Randonnée dans la réserve du Cerro Castillo.


Parcourir la montagne, c’est aussi remonter le temps. Nous évoluons dans un environnement où le moteur n’a pas encore remplacé l‘animal. Un petit matin, nous sommes réveillés par un groupe de gauchos* entouré d’une meute de chiens. Du haut de leurs montures, les gaillards mènent le troupeau vers son pâturage, criant allègrement pour effrayer les bêtes. 


Gauchos, les cow-boys patagons, Cerro Castillo.


Un peu plus loin, sur la rive opposée d’une rivière que nous longeons, il y a une cabane. Plutôt un abris: quelques rondins mal ajustés coiffés d’une bâche déchirée. Nous posons les sacs quelques instants et un homme apparaît sur le chemin, le visage creusé sous un bonnet de laine. Tout sourire, le vieux nous salut, puis siffle un chien qui peine à suivre quelques mètres derrière. L’ermite ôte ses bottes, retrousse son pantalon et traverse le cour d’eau pour regagner son foyer. Après avoir coupé quelques bûches et allumé un feu, l’homme s’assoit au pied d’un arbre et fume sa roulée en nous observant. 


L’ermite.


C’est qu’il ne doit pas voir défiler grand monde, l’ancien. Dix doigts suffisent à compter les rencontres que nous ferons au cours des quatre jours passés à crapahuter dans le parc.



Sous l’ombre menaçante des tours de basalte du Cerro Castillo, il y a ce lac en forme d'œil. Une eau laiteuse, au beau milieu d’un paysage lunaire. Grimpant toujours, au moment de franchir le second col du parcours, nous essuyons une petite tempête de neige. Un vent glacé nous gifle le visage. Nous sommes à quelques mille six cent mètres d'altitude. On se croirait debout sur une étoile, à regarder la terre toute petite en bas. Villa Cerro Castillo, le village où se termine le trek est juste là. Nous discernons parfois de minuscules silhouettes humaines entre les maisons. Et puis il y a la Carretera, le grand serpent fuyant vers l'horizon.



Roches et matière dans le parc du Cerro Castillo.


Retour sur le plancher des vaches. Un bon repas, une bonne nuit de sommeil. Il faut dire que la bourgade n‘a pas grand chose d‘autre à offrir. A la sortie de la ville, plusieurs groupes d’auto stoppeurs sont déjà en position sur le bord de la chaussée. Cela fait beaucoup de concurrence pour le peu de circulation. D’autant que tous les bus affichent complets et que certains routards sont bloqués ici depuis la veille. Nous attendons quelques heures sans grands succès et décidons de mettre les voiles… à pied. 

A partir d’ici, la Carretera n’est plus goudronnée. Cent vingt kilomètres nous sépare de Puerto Tranquilo, notre prochaine étape. Au couché du soleil, nous avons fait une vingtaine de bornes, fantasmant sur le véhicule imaginaire qui s’arrêterait pour nous emmener. Mais il faut reconnaître que nous sommes toujours sur le carreau. Nous passons donc la nuit sur le bas coté et dormons dans le fossé pour nous abriter du vent.

Un pick-up rouge s’aligne sur l’horizon. Roulant à bonne vitesse, le bolide soulève derrière lui un nuage de poussière. Nous nous avançons et tendons le pouce… Derrière les vitres teintées, le conducteur ne semble même pas avoir percuté. Arrivé à notre hauteur, le 4x4 n’a toujours pas ralentit et nous saluons son passage d‘une volée d‘insulte. En nous retournant, nous nous rendons compte que l'engin a finalement stoppé sa course une centaine de mètres plus loin. Par une portière, une silhouette féminine nous fait signe de monter. Nous jubilons en courant vers le véhicule salutaire. Après avoir balancés nos sacs à l’arrière, nous grimpons à bord.

A l’intérieur, deux bombes. La conductrice est une jolie brune. Assise à coté, une petite blonde cheveux court se fait les ongles, la jambe posée sur l’airbag. Maintenant la balle est dans notre camp et nous entamons la conversation. « Vous tombez à pic, ça fait deux jours qu’on attend. » Mais les deux nymphes ne semblent pas comprendre un traître mots à notre baragouin d’espagnol. 

Et pour cause, ce sont deux australiennes en long voyage. Le pick-up est un véhicule loué. Voilà pourquoi nos gonzinettes roulent à toutes blindes sur une piste complètement cabossée. La copilote sort une bouteille de blanc toute fraîche de la glacière et nous la tend en souriant. Nom d’un rodéo, qu’est-ce que c’est que ce traquenard ? On pourrait presque penser que nous étions attendus. Assis sur la banquette arrière tel deux pachas, nous profitons solennellement de l’instant.

En anglais, la discussion s’avère plus prolifique. Entre deux histoires à dormir debout, nous apprenons que nos chauffeuses ont une cabaña à Puerto Tranquilo. Et nous sommes d’ailleurs invités à une petite sauterie qui doit avoir lieu le soir même. Pourquoi pas après tout. En arrivant sur place, nous déchargeons les sacs, poussons la porte de la maisonnée… Et c’est là que nous nous réveillons. Toujours au bord de la Carretera. Il reste exactement cent kilomètres avant le prochain patelin.


Entre Cerro Castillo et Puerto Tranquillo, l'attente. Aquarelle.


Le vent souffle toujours aussi fort. Nous nous installons sous un abris-bus au milieu de nul part. D‘autres avant nous ont levés le pouce ici. Des deux cotés du clapier, de petites fentes taillées au couteau dans le bois permettent de guetter le client. Et on peut dire qu’il n’y a pas foule ce matin sur la route australe. Plusieurs heures passent avant qu’un bus ne morde à l‘hameçon. Tous les sièges sont occupés. Bien content d’être enfin tirés d’affaire, nous faisons le voyage entassés à l’avant avec le conducteur.

Au bord des routes chiliennes, on tombe parfois sur de petites stèles religieuses. Ces monuments à la gloire de la sainte vierge sont censés apporter chance et protection aux voyageurs. Dés que notre chauffeur en aperçoit un, il esquisse un signe de croix, embrasse son chapelet et lâche un petit coup de klaxon en saluant la madone de la main. Un rituel qu’il effectue le plus sérieusement du monde. Ce qui ne l’empêche pas de prendre un instant pour nous vanter les charmes des chicas de la région.

Puerto Tranquilo, quelques maisons posées sur la berge du Lago General Carrera. Un des plus grand lac du continent sud américain. Depuis quelques années, l’économie du bled prospère tranquillement grâce à la Capilla de Marmol. Un magnifiques ensemble de cavernes creusées dans le marbre par les eaux du lago. Si le site est un vrai trésor, la façon dont il est exploité sent l’arnaque à plein nez. Triste spectacle que d’observer les barques à moteur se remplir et se vider de touristes abrutis pas le soleil. Le manège n’arrête pas de la journée, ce qui ne donne pas vraiment envie de s’attarder dans le coin.


Blue lagoon, la Capilla de Marmol.


A cet instant du récit, il convient de faire quelques précisions concernant l’auto stop. Le but étant d’aborder les mystères et techniques de cette pratique qui, le croirez vous, ne repose pas entièrement sur le hasard. Nous la qualifierons néanmoins de science abstraite. Il semble évident qu’aucune règle ne régisse clairement les chances d‘être pris en stop, mais on peut néanmoins évoquer certaines ficelles permettant de faciliter les choses.


A l'arrière des taxis.


C’est un peu comme une course sauf que rien ne sert de courir. On finit toujours par attendre. Sur la Carretera, nous recroisons régulièrement les mêmes têtes occupés à lever le pouce sur le bas coté. Quand un groupe en dépasse un autre, on se lance de grands signes avant de se retrouver à l’étape suivante pour un brin de causette. Hier encore, en arrivant dans une auberge, nous sommes tombés sur un type que nous avions rencontrés à la sortie de Cerro Castillo. Cela fait pourtant plus d’un mois que nous en avons terminés avec la route australe.

Toute la stratégie du stoppeur repose sur le choix de l‘emplacement. Il est important que les véhicules puissent s’y arrêter facilement. Attendre à un feu rouge présente quelques avantages. On peut alors faire signe au chauffeur de baisser sa vitre pour lui poser la question fatidique: « A donde van ustedes* ? ». Une fois le dialogue engagé, le conducteur refusera rarement de vous prendre à son bord. Les stations service font également partie des spots de premier choix. C’est d’ailleurs à la pompe à essence de Puerto Tranquillo que nous chopons le pick-up rouge qui va nous permettre de poursuivre notre périple vers le sud.


Sur la route entre Puerto Tranquilo et Cochrane.


Deux routards chiliens sont également du voyage. Entassés à l’arrière avec nos sacs, ballottés dans les virages, nous échangeons quelques mots en criant pour couvrir les rugissements du moteur. Et puis nous gagnons Cochrane. Paisible bourg où nous allons passer une longue semaine qui s’écoulera au rythme des parties de pêche, des orgies gastronomiques et de la fête traditionnelle où nous assisterons à notre premier rodéo.

Une fois en ville, nous faisons comme d’habitude un rapide tour des hospedajes pour trouver un lit à bas prix. Nous atterrissons finalement chez Klaudia. La maîtresse de maison nous accueil avec une soupe, elle nous nourrira à l’œil pendant toute la durée du séjour. Réunis autour de la table familiale, nous partageons le repas après avoir dit les bénédictions. Klaudia est assise entre ses deux petites filles. Leur père, Cotuto, se tient en face. C'est une vrai terreur pour les truites de la région et sûrement une des plus belles voix de Patagonie. Le diable dégaine sa guitare à la moindre occasion. Marcelo, leur fils, est également présent, ainsi qu'un couple de français avec qui nous allons tisser de sacrés liens d‘amitiés. Yannick et Aurélie, qui voyagent autour du monde depuis bientôt dix mois. 

Étant donné l’hospitalité démentielle de Klaudia, l’Asado est inévitable. Un soir, un gigantesque morceau de beauf est donc amené à la maison. Tous debout, comme le veut la coutume, nous dégustons avec les doigts la viande cuite au feu de bois. Et la soirée se termine par une interminable partie de cartes autour d’une bouteille de Pisco.

Les habitants de Cochrane ont appris à savourer le calme et la tranquillité de ce lieu hors du temps. Bienheureux de pouvoir goûter à la sérénité quand le reste du monde se noie dans le ressac des grandes villes. En espagnol, paix se dit paz. C’est comme ça que Klaudia et Cotuto ont appelés leur petite dernière. En fumant notre cigarette sur le banc à bascule devant la maison, nous saluons un garçon de notre âge qui emmène sa bien-aimée dans le crépuscule. Le deux tourtereaux sont assis l’un derrière l’autre sur la selle d‘un étalon, les bras de la fille cerclant la taille du jeune homme. Et le bruit des sabots résonne dans le soleil couchant.

Nous demandons notre chemin à une petite vieille. La voilà qui nous accompagne pour s’assurer que nous n‘aurons aucun mal à trouver… Mais aussi pour parler, savoir. Car « chez ces gens là, monsieur, » on aime poser les questions. Les gosses vont et viennent à vélo, poules et moutons gambadent librement dans les rues. Sur la Plaza de Arma, cette place centrale autour de laquelle s’articule la vie dans toutes les villes d’Amérique du sud, un vieux est allongé dans l’herbe. Occupé à s’en griller une, le grand-père dégaine un joli sourire édenté en nous regardant passer. Un peu plus loin, ce sont les gamines qui nous lancent de doux et radieux regards. Tout autour, les montagnes bienveillantes veillent sur les maisons de Cochrane.


Benicio del toro.


Et puis cette histoire de rodéo va vraiment nous en mettre plein la vue. Les festivités ont lieu dans la Medialuna, une sorte d’arène toute en bois construite à la sortie de la ville. Deux jours durant, nous allons assister à un fascinant spectacle. Si l’atmosphère de la cérémonie captive autant, c’est en grande partie dû à la présence des gauchos*. Les cowboys patagons passent la quasi-totalité de leurs existences à trimbaler leurs dégaines de lascars dans les grandes étendues sauvages. Pas vraiment gentleman farmer, plutôt le genre de types habitués à bouffer du puma au petit déjeuner. Même l'indéboulonable béret vissé sur leurs tètes de brigands témoigne de l'idée certaine que ces types se font de la classe.


Portraits de gauchos, rodéo de Cochrane.


Première épreuve: le lasso. Dans les tribunes, la foule lâche un grand « wouh ! ». Le nœud se serre et voilà le veau qui trébuche, soulevant un nuage de poussière dans sa chute. La bête est ligotée, marquée au fer rouge, puis on lui coupe un morceau de l’oreille gauche. Une fois fait, on la relâche et deux cavaliers l'escortent vers la sortie. Puis, un autre animal est envoyé dans l’arène et les lassos recommencent à tourner dans les airs.

Le véritable rodéo se déroule un peu plus loin, sur une grande étendue d‘herbe. Les participants doivent tenir le plus longtemps possible sur le dos d'un cheval sauvage. Un guitariste narre les prouesses de chaque cavaliers en improvisant sur son instrument. Une épreuve semblable est également réservée aux enfants. Les petits pères tentent de se maintenir en équilibre sur le dos d’un mouton furieux. Plus tard, dans un autre "jeu", le même groupe de gamins essaye d’attraper un cochon de lait en lui courant après. Comique garantit, même les parents des gosses se fendent la poire.




Les deux journées se clôturent bien évidemment par un grand bal. Nous goûtons une nouvelle fois à cette musique démoniaque qui, sur Chiloé, nous avait secouée les tripes jusqu'au petit matin.




Le lendemain, nous nous décidons enfin à lever l’ancre. L'heure est venue de faire nos adieux à Klaudia, Cotuto et toute cette incroyable famille qui nous avait définitivement adoptée. Le cœur un peu serré, nous embrassons la petite Paz. Depuis quelques jours, elle nous appelait tio* Hugo et tio Arthuro. Sac sur le dos, nous gagnons la sortie de la ville direction Caletta Tortel.


Caletta Tortel, le patelin suspendu.


Niché tout au fond des fjords, c'est un petit village de pécheurs noyé dans la brume australe. Points de rues entre ses maisons mais un ingénieux labyrinthe de passerelles en bois, ce qui confère un certain charme à l'endroit tout en attirant bien évidemment les bus de touristes. Isolé du monde jusqu'en 2003, Tortel a été la dernière commune reliée par la Carretera. Avant cette date, les quelques trois cents habitants du patelin n'y avaient jamais vu une automobile.


Bois et matières, Caletta Tortel.


A partir d'ici, nous décidons de nous séparer. Seul, il sera plus facile de trouver un véhicule pour couvrir le dernier tronçon jusqu'à Villa O'Higgins. L'un se fait véhiculé quasi-immédiatement par une famille d'avocat juif pendant que l'autre passe une nuit de clochard enfermé dehors. Nous arrivons donc à destination avec un jour d'écart.



Villa O'Higgins, fin del camino.


Nous y voilà, Villa O'Higgins, le bout de la route. Avec ses rues à angles droits et ses baraquements, ce bled a tout du camp de pionnier. Tous les hôtels affichent complet, impossible de trouver un lit. En demandant aux passants, nous apprenons qu'un type répondant au doux nom de Nelson Enrique peut peut-être nous aider à résoudre notre problème de logement. C'est comme ça que nous nous retrouvons à dormir deux soirs de suite dans une superbe cabaña pour une poignée de pesos. Au coin du poêle à bois, nous allons mettre sur pied un plan diabolique afin de rouler dans la farine Hielo Sur. La seule entreprise à assurer la traversée du lac O'Higgins, donc l'unique moyen pour nous de continuer le voyage.


Cabaña del Señor Nelson Enrique, crayonné.


Guide: Petit Futé 2012 édition Patagonie. Pas vraiment à jour, voir à la rue sur bon nombre de sujets. Le meilleur moyen de se repérer ou d'obtenir de bons tuyaux c'est d’échanger avec les gens, tout simplement.

Pobladores: Colons que l'état chilien envoyait autrefois pour occuper les terres.

Gauchos: Cowboys chiliens, dans le nord du Chili, on les appel huasos

« A donde van ustedes? » : Où allez vous?

Tio Hugo et tio Arthuro: Tonton Hugo et tonton Arthur.


Textes Hugo Charpentier - Photos Arthur Courtois