mercredi 9 janvier 2013

De la truite à Noël



San Carlos de Bariloche, au bord du lac Nahuel Huapi.



À Bariloche, c'est noël toute l'année. La ciudad située sur les premiers contreforts de la cordillère argentine s'illustre avant tout par une anecdote historique des plus sympathiques. Après la seconde guerre mondiale, c'est dans cette charmante bourgade que les vedettes du troisième Reich décidèrent de poser leurs valises pour éviter la case Nuremberg. Certains historiens prétendent qu'Hitler en personne y aurait séjourné. Rumeurs, mythes urbains ou vérités? La présence d´une tripotée de brasseries artisanales à chaques carrefours de la ville apporte peut être un premier élément de réponse.





Arbres tricotés à Bariloche.



Aujourd´hui, toute l´économie de San Carlos de Bariloche repose sur le tourisme. Promenades en catamarans motorisés sur le lac, location de canoës et tour en minibus ne sont qu'un condensé des activités proposées par les indénombrables agences touristiques de la ville. Dans le guide, on parle quand même de la "plus vaste et plus spacieuse station du ski du continent sud américain". Oui monsieur. En bref un décor en contre-plaqué et carton pâte au beau milieu des Andes sauvages. Pas un hasard si dans les environs de la ville, les fastueuses propriétés privées se succèdent au bord du lac Nahuel Huapi. Barricadés derrière grillages et barbelés: des putains de cancers disait Daffy dans La Plage.

Alors, quand Los Compadres descendent du Trans Patagonia et commencent à arpenter ces rues en quête d´un lit, c´est la même histoire qui recommence. Klaxons et sirènes de police se mêlent à l'abominable raffut des pots d’échappement en fin de vie. Les mêmes auberges de backpackers où le voyageur n'est rien de plus qu'une vache à lait bien grasse. Leurs réceptionnistes qui soldent tous renseignements dans l'unique but de vous soutirer une nuit de plus. Deux jours pluvieux dans ce piège à loup et nous mettons les voiles. C'est chez Andy que nous passerons noël, une vingtaine de kilomètres plus loin dans la montagne.




Ballade autour de la ville...



Andy est un illuminé. Percussionniste à ses heures, imprenable au ping-pong, notre aubergiste (la quarantaine bien tassée dans ses pompes de rando) ambiance le chalet d'un bruyant "Vamos!" à chaque balle gagnée. Tel un Nadal sur terre battue, chaque point est disputé comme si sa vie en dépendait. Transpirant entre deux parties, il trouve quand même le temps de théoriser sur la dépénalisation du cannabis. Car comme il le dit lui même: "comment pourrait on interdire une plante?" Au coin du feu, nous vidons une bouteille de Malbec, puis deux et dégustons un fabuleux Asado, cette viande fondante comme du beurre. Une petite improvisation aux percus, joyeux noël et bonne nuit.





La grande boucle



Le lendemain, nous troquons nos gros sacs pour des VTT. Deux superbes montures que nous chevaucherons deux jours durant à travers les paysages et les cimes andines. Stoppant notre folle équipée sur les berges du Lago Moreno, los compadres trempent pour la première fois la ligne de la Jamais-Bredouille. La canne à pêche mystique et les eaux généreuses du lago nous offrent une première truite arco iris. Hobbits joufflus et poisson frais, nous la faisons cuir au feu de bois le soir même et dégustons avec les doigts sa chaire bigrement saumonée. Repus, épuisés par la cinquantaine de bornes parcourue dans la journée, nous installons le bivouac un peu plus loin sur la berge du Lago Mascardi. Sous l'ombre bienveillante des sommets de la cordillère, los compadres s´endorment sans demander leur reste.




Pêche d'une première truite, l'arco iris ou arc en ciel.



Le lendemain, aux aurores, une autre truite est tirée des eaux limpides du lago. Une belle marrón de deux kilos que nous décidons de relâcher avant de reprendre la route. Une vingtaine de kilomètres ponctués d'une terrible côte nous attendent sur la célèbre Ruta 40, l'artère symbolique qui traverse l'Argentine du nord au sud. Ernesto Guevara la parcourait en moto dans sa jeunesse, bien avant que sa gueule et son béret ne se retrouvent imprimés sur toute une galaxie de produits dérivés.





La ruta 40



Encore quelques heures à pédaler sur les pistes caillouteuses de la cordillère, quelques coups de canne à pêche dans les nombreux lacs émeraudes qui bordent notre chemin... et nous retrouvons Andy. Le regard au loin, transis de bonne fatigue et d'un sentiment profond de paix intérieur, los compadres fixent un temps les flammes dans la cheminée du chalet, puis s'éclipsent en silence vers leurs appartements.








Truite marrón ou fario pêchée au petit matin.





Crépuscule andin


Les coordonnées d'Andy:



Texte Hugo Charpentier - Photos Arthur Courtois

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